jeudi 27 décembre 2007

Plein de songe... par Jules Supervielle


Plein de songe mon corps, plus d'un fanal s'allume
A mon bras, à mes pieds, au-dessus de ma tête.
Comme un lac qui reflète un mont jusqu'à sa pointe
Je sens la profondeur où baigne l'altitude
Et suis intimidé par les astres du ciel.

Jules Supervielle

vendredi 6 juillet 2007

Un article sur Jules Supervielle de Mathieu Hilfiger


La revue poétique Le Bateau Fantôme publie son nouveau numéro : « l'enfance ». Il comprend un excellent article de Mathieu Hilfiger : L’enfant de la haute mer de Jules Supervielle : ou les limbes de la mémoire en deuil.

lundi 25 juin 2007

Le Voyage Difficile (extrait du "Forçat Innocent")


A Christian Sénéchal

Sur la route une charrette,
Dans la charrette un enfant
Qui ne veut baisser la tête
Sous des cahots surprenants.

La violence de la route
Chasse l'attelage au loin
D'où la terre n'est que boule
Dans le grand ciel incertain.

Ne parlez pas : c'est ici
Qu'on égorge le soleil.
Douze bouchers sont en ligne,
Douze coutelas pareils.

Ici l'on saigne la lune
Pour lui donner sa pâleur,
L'on travaille sur l'enclume
Du tonnerre et de l'horreur.

« Enfant cache ton visage
Car tu cours de grands dangers.
— Ne vois-tu pas, étranger,
Que j'ai un bon attelage.»

Garçons des autres planètes
N'oubliez pas cet enfant
Dont nous sommes sans nouvelles
Depuis déjà très longtemps.


Sous quelle fougère où dort un insecte
Votre âme cherchait sa couleur première ?

C'était par quelque temps d'éclipse,
Seul au monde un frisson, un sourire triste.

De temps à autre toute une biche
Entre le feuillage s'en venait voir,

Puis s'éloignait sous la surveillance d'un songe
Qui la couvrait d'herbes, de ronces,

Et toujours prête â revenir.


Le soleil parle bas
A la neige et l'engage
A mourir sans souffrir
Comme fait le nuage.

Quelle est cette autre voix
Qui me parle et m'engage ?
Même au fort de l'hiver
Serait-ce la chaleur
Qui fait tourner la Terre
Toujours d'un même coeur,

Et, pour me rassurer,
Dans toutes les saisons
Se penche à mon oreille
Et murmure mon nom ?


Dans la forêt sans heures
On abat un grand arbre.
Un vide vertical
Tremble en forme de fût
Près du tronc étendu.

Cherchez, cherchez, oiseaux,
La place de vos nids
Dans ce haut souvenir
Tant qu'il murmure encore.

jeudi 31 mai 2007

Autour de Jules Supervielle...

Axel Maugey, auteur d’un essai intitulé Les élites argentines et la France (Paris, éditions de l’Harmattan, 2004) présente Jules Supervielle. Je vous propose d'écouter l'émission :

Quand le cerveau gît dans sa grotte...

mardi 8 mai 2007

Jules Supervielle sur France Culture

Voici deux extraits de l'émission consacrée à Jules Supervielle
Voir la fiche sur France Culture
"Jules Supervielle et l'exil"




"La souffrance chez Supervielle"



samedi 5 mai 2007

Colloque du 1er et 2 février 2008




L'association "Les amis de Jules Supervielle" et la mairie d'Oloron Sainte Marie organise début février 2008 un colloque sur le thème : "Supervielle dans le monde d'aujourd'hui. A quelles manières d'être sa poésie nous invite-t-elle ?"
Vous y êtes invités et je me réjouis que le groupe d'amis autour du poète puisse s'agrandir et s'épanouir dans l'esprit de l'oeuvre de Supervielle...

Association "Les amis de Jules Supervielle"

Pour adhérer à l'association, il suffit d'envoyer 15 euros à Hélène Clairefond, notre nouvelle présidente, à l'adresse suivante (le siège a changé) :
Mme Hélène CLAIREFOND
Ecole Saint-Cricq
64400 OLORON-SAINTE-MARIE

Le texte du poème : "Oloron Sainte Marie"


Comme du temps de mes pères les Pyrénées écoutent aux portes
Et je me sens surveillé par leurs rugueuses cohortes.
Le gave coule, paupières basses, ne voulant pas de différence
Entre les hommes et les ombres,
Et il passe entre des pierres
Qui ne craignent pas les siècles
Mais s’appuient dessus pour rêver.

C’est la ville de mon père, j’ai affaire un peu partout.
Je rôde dans les rues et monte des étages n’importe où,
Ces étages font de moi comme un sentier de montagne,
J’entre sans frapper dans des chambres que traverse la campagne,
Les miroirs refont les bois, portent secours aux ruisseaux,
Je me découvre pris et repris par leurs eaux.
J’erre sur les toits d’ardoise, je vais en haut de la tour,
Et, pour rassembler les morts qu’une rumeur effarouche,
Je suis le battant humain,
Que ne révèle aucun bruit,
De la cloche de la nuit,
Dans le ciel pyrénéen.

O morts à la démarche dérobée,
Que nous confondons toujours avec l’immobilité,
Perdus dans votre sourire comme sous la pluie l’épitaphe,
Morts aux postures contraintes et gênés par trop d’espace,
O vous qui venez rôder autour de nos positions,
C’est nous qui sommes les boiteux tout prêts à tomber sur le front.

Vous êtes guéris du sang
De ce sang qui nous assoiffe.

Vous êtes guéris de voir
La mer, le ciel et les bois.

Vous en avez fini avec les lèvres, leurs raisons et leurs baisers,
Avec nos mains qui nous suivent partout sans nous apaiser,
Avec les cheveux qui poussent et les ongles qui se cassent,
Et, derrière le front dur, notre esprit qui se déplace.

Mais en nous rien n’est plus vrai
Que ce froid qui vous ressemble,
Nous ne sommes séparés
Que par le frisson d’un tremble.

Ne me tournez pas le dos. Devinez-vous
Un vivant de votre race près de vos anciens genoux ?

Amis, ne craignez pas tant
Qu’on vous tire par un pan de votre costume flottant !

N’avez-vous pas un peu envie,
Chers écoliers de la mort, qu’on vous décline la vie ?

Nous vous dirons de nouveau
Comment l’ombre et le soleil,
Dans un instant qui sommeille,
Font et défont un bouleau.

Et nous vous reconstruirons
Chaque ville avec les arches respirantes de ses ponts,
La campagne avec le vent,
Et le soleil au milieu de ses frères se levant.

Etes-vous sûrs, êtes-vous sûrs de n’avoir rien à ajouter,
Que c’est toujours de ce côté le même jour, le même été ?
Ah comment apaiser mes os dans leur misère,
Troupe blafarde, aveugle, au visage calcaire,
Qui réclame la mort de son chef aux yeux bleus
Tournés vers le dehors.

Je les entends qui m’emplissent de leur voix sourde.
Plantés dans ma chair, ces os,
Comme de secrets couteaux
Qui n’ont jamais vu le jour :

- N’échappe pas ainsi à notre entendement.
Ton silence nous ment.
Nous ne faisons qu’un avec toi,
Ne nous oublie pas.

Nous avons partie liée
Tels l’époux et l’épousée
Quand il souffle la bougie
Pour la longueur de la nuit.

- Petits os, grands os, cartilages,
Il est de plus cruelles cages.
Patientez, violents éclairs,
Dans l’orage clos de ma chair.

Thorax, sans arrière-pensée
Laisse entrer l’air de la croisée.
Comprendras-tu que le soleil
Va jusqu’à toi du fond du ciel ?

Ecoute-moi, sombre humérus,
Les ténèbres de chair sont douces.
Il ne faut pas songer encor
A la flûte lisse des morts.

Et toi, rosaire d’os, colonne vertébrale,
Que nulle main n’égrènera,
Retarde notre heure ennemie,
Prions pour le ruisseau de vie
Qui se presse vers nos prunelles.
Extrait du Forçat innocent

Oloron Sainte Marie


dimanche 29 avril 2007

Un article à lire

Jules Supervielle :pour une poétique de la transparence
par MARGARET MICHÈLE COOK
l'étude issue du site suivant.

Comment "comprendre" un poème

« Pour moi ce n’est qu’à force de simplicité et de transparence que je parviens à aborder mes secrets essentiels et à décanter ma poésie profonde. Tendre à ce que le surnaturel devienne naturel et coule de source (ou en ait l‘air). Faire en sorte que l’ineffable nous devienne familier tout en gardant ses racines fabuleuses. […] Je n’ai guère connu la peur de la banalité qui hante la plupart des écrivains mais bien plutôt celle de l’incompréhension et de la singularité. N’écrivant pas pour des spécialistes du mystère j’ai toujours souffert quand une personne sensible ne comprenait pas un de mes poèmes. »
Jules Supervielle, « En songeant à un art poétique » dans Naissances.

vendredi 6 avril 2007

Modernité de Jules Supervielle

3) Sur le plan de la connaissance métaphysique, enfin :

La vraie modernité de Supervielle se situe, me semble-t-il, à la croisée de la science et de la spiritualité, là où règnent l’interrogation et une certaine qualité de silence - telles qu’une philosophie non dogmatique comme le bouddhisme peut en offrir. En témoigne ces extraits du passionnant dialogue entre le moine bouddhiste Mathieu Ricard et l’astrophysicien Trinh Xuan Thuan, L’Infini dans la paume de la main - Du big bang à l’éveil, Nil/Fayard, Paris, 2000 :

MATTHIEU : (…) nous devons tout d'abord revenir à la notion de « vérité relative ». Selon le bouddhisme, la perception que nous avons du monde comme étant composé de phénomènes distincts issus de causes et de conditions isolées est appelée « vérité relative » ou « vérité trompeuse ». L'expérience du quotidien nous porte à croire que les choses ont une réalité objective indépendante, comme si elles existaient de leur propre chef et possédaient une identité intrinsèque. Mais ce mode d'appréhension des phénomènes est une simple construction de notre esprit. Même si cette vision de la réalité est entérinée par le sens commun, elle ne résiste pas à l'analyse. Le bouddhisme adopte plutôt la notion que les choses - mieux vaudrait dire les phénomènes - n'existent qu'en relation avec d'autres, l'idée de causalité réciproque. Un événement ne peut survenir qu'en relation et en dépendance avec d'autres événements. Le bouddhisme voit le monde comme un vaste flux d'événements reliés les uns aux autres et participant tous les uns des autres. Notre mode d'appréhension de ce flux cristallise certains aspects de cette globalité de manière purement illusoire et nous fait croire qu'il s'agit d'entités autonomes dont nous sommes entièrement séparés. Dans l'un de ses sermons, le Bouddha décrit la réalité comme un entrelacs de perles : dans chacune des perles, toutes les autres sont reflétées, ainsi que le palais dont elles ornent la façade et l'univers tout entier. Ce qui revient à dire que dans chaque élément de la réalité, tous les autres sont présents. Cette image illustre bien la notion d'interdépendance selon laquelle il ne peut exister, où que ce soit dans l'univers, une seule entité dissociée de l'ensemble.
T. - Cette notion de « flux d'événements » rejoint la vision de la cosmologie moderne : du plus petit atome à l'univers entier, en passant par les galaxies, les étoiles et les hommes, tout bouge et évolue, rien n'est immuable.
M. — Non seulement les choses bougent, mais nous les percevons comme des « choses » parce que nous regardons les phénomènes sous un certain angle. Il faut donc se garder d'attribuer au monde des propriétés qui ne sont que des apparences. Les phénomènes sont de simples événements qui se manifestent en fonction des circonstances. Le bouddhisme ne nie pas la vérité conventionnelle, celle que l'homme ordinaire perçoit ou que le savant détecte. Il ne conteste pas les lois de cause à effet, ni les lois physiques ou mathématiques. Il affirme simplement que, si on va au fond des choses, il y a une différence entre la façon dont le monde nous apparaît et sa nature ultime, qui est dénuée d'existence intrinsèque.
T. - Comment cette nature ultime des choses est-elle reliée à l'interdépendance ?
M. - Le mot interdépendance est une traduction du mot sanskrit pratitya samutpada qui signifie « être par co-émergence » et peut s'interpréter de deux façons complémentaires. La première est « ceci surgit parce que cela est», ce qui revient à dire que les choses existent d'une certaine façon mais que rien n'existe en soi. La deuxième est « ceci, ayant été produit, produit cela », ce qui signifie que rien ne peut être sa propre cause. En d'autres termes, tout est d'une façon ou d'une autre interdépendant avec le monde. Une chose ne peut surgir que parce qu'elle est reliée, conditionnée et conditionnante, co-présente et co-opérante, et en transformation continuelle. L'interdépendance est intimement liée à l'impermanence des phénomènes et fournit un modèle de transformation qui n'implique pas l'intervention d'une entité organisatrice. L'interdépendance explique aussi ce que le bouddhisme entend par la vacuité des phénomènes, une vacuité qui signifie absence de « réalité » intrinsèque. (…) Ironiquement, bien que l'idée d'interdépendance mine la notion de réalité autonome, c'est également elle qui permet la manifestation des phénomènes. Considérons la notion d'une entité qui existerait indépendamment de toutes les autres. Immuable et autonome, cette entité ne pourrait agir sur rien et rien ne pourrait agir sur elle. L'interdépendance est nécessaire à la manifestation des phénomènes.
Cet argument réfute tout aussi bien la notion de particules autonomes qui construiraient la matière, que celle d'une entité créatrice qui n'aurait aucune autre cause qu'elle-même. De plus, cette interdépendance inclut naturellement la conscience : un objet dépend d'un sujet pour être objet. Schrödinger avait remarqué ce problème lorsqu'il écrivait : « Sans en être conscients, nous excluons le Sujet de la Connaissance du domaine de la nature que nous entreprenons de comprendre. Entraînant la personne que nous sommes avec nous, nous reculons d'un pas pour endosser le rôle d'un spectateur n'appartenant pas au monde, lequel par là même devient un monde objectif. »
L'interdépendance, c'est encore celle des relations entre les parties et le tout : les parties participent du tout, et le tout est présent dans les parties.
Enfin, l'aspect le plus subtil de l'interdépendance est celui de la dépendance entre la « base de désignation » et la « désignation » d'un phénomène. La localisation, la forme, la dimension, la couleur ou toute autre caractéristique apparente d'un phénomène ne sont que des bases de désignation, leur ensemble ne constitue pas une « entité » ou un objet autonome. Cette désignation est une construction mentale qui attribue une réalité en soi au phénomène. Dans notre expérience de tous les jours, quand un objet se présente à nous, ce n'est guère son existence nominale qui nous apparaît, mais son existence en soi. Mais lorsqu'on analyse cet « objet » issu de causes et de conditions multiples, on est incapable d'isoler une identité autonome. On ne peut pas dire que le phénomène n'existe pas, puisque nous en faisons l'expérience, mais on ne peut pas dire non plus qu'il correspond à une réalité en soi. La conclusion est que l'objet existe (on ne tombe pas dans une vision nihiliste des choses), mais que son mode d'existence est purement nominal, conventionnel (on évite ainsi l'autre extrême, celui d'entités autonomes, donc éternelles). Un phénomène qui n'a pas d'existence autonome mais qui n'est pas non plus purement inexistant peut avoir une action, une fonction obéissant à la causalité et conduisant à des effets positifs ou négatifs. Il est donc possible d'anticiper les résultats de nos actes et donc d'organiser notre relation avec le monde. Un verset tibétain explique :
« La vacuité n'est pas une absence de fonctionnalité,
Mais l'absence de réalité, d'existence absolue.
La production en dépendance n 'implique pas une réalité intrinsèque
Mais un monde semblable à une illusion. »


On voit ici combien la vision bouddhiste du monde, toute compatible qu’elle soit avec les données de la physique moderne, rompt radicalement avec notre manière habituelle de regarder le monde, dans la mesure où cette vision est absolument inconcevable pour la raison. D’où la nécessité, pour le bouddhiste, d’abandonner le recours au langage pour s’adonner à la pure expérience - silencieuse par nature.
La poésie de Supervielle, comme toute poésie, ne va pas si loin, bien entendu ; mais le langage qu’elle utilise, elle le transforme pour en faire un geste d’approche et non le réceptacle d’un message. De cette manière, elle peut se rapprocher du silence afin de nous conduire vers l’expérience d’une vision à la fois impossible et plus proche d’une Vérité de l’univers. A condition, bien entendu, d’entendre cette vérité comme non conceptuelle.
Y a-t-il si loin entre la « pansympathie » dont parle Supervielle et l’interdépendance bouddhiste, qui refuse de considérer le réel comme une entité et qui ne le nomme que par le terme tout négatif de « vacuité » ? Relisons simplement ces deux vers du poète : « Et l’étoile se dit : je tremble au bout d’un fil. / Si nul ne pense à moi, je cesse d’exister. » Tel est le rapprochement qui s’établit tout au long de ma propre lecture, dans mon essai sur la connaissance poétique selon Supervielle, depuis le renoncement au savoir scientifique jusqu’à l’élaboration d’une connaissance différente, totalement paradoxale. Et cela avant même - ce fait mérite d’être souligné - d’avoir eu connaissance de la philosophie bouddhiste. C’est pourquoi seule ma conclusion se fait véritablement l’écho de cette proximité.

mercredi 4 avril 2007

Modernité de Jules Supervielle

2) Sur le plan de la connaissance scientifique de l’univers, ensuite :

Dans son remarquable ouvrage intitulé Jules Supervielle, poète de l’univers intérieur, Paris, Jean Flory, 1939, Christian Sénéchal écrit ceci :

Sans pouvoir être classé parmi les « poètes scientifiques », Jules Supervielle est pourtant, de tous ses contemporains, celui qui nous offre du monde l’image la plus conforme aux découvertes et aux hypothèses les plus récentes de la science. Sans que jamais un mot comporte même une allusion à une conception scientifique, l’intuition du poète reste en accord avec l’astronomie, la physique et la biologie de nos jours. Nous avons signalé la prodigieuse impulsion que Supervielle reçut d’un livre de vulgarisation astronomique. Mais le poète a rendu à la science ses bienfaits en libérant les esprits de leurs attaches terrestres et en leur permettant de mieux saisir, grâce à l’émotion, toute la portée des conquêtes du télescope et de la chimie stellaire. Il y a plus : c’est l’essentiel de la biologie que nous pressentons sous la vision émouvante des corps-univers qui s’avancent, porteurs d’une vie millénaire remontant à la création des pierres, des arbres, des bêtes et des hommes, et qui, comme tout ce qui existe, restent en proie au vertige d’une éternelle naissance ; - et c’est l’essentiel de la physique que nous retrouvons dans cette abolition des limites et dans cette croyance à l’unité et à la permanence des forces de l’univers physique et moral, qui font de l’oeuvre de Supervielle la projection, dans l’ordre poétique des rêves et des émotions, de la conception d’une « noosphère » - le mot est du P. Teilhard de Chardin - où se concentrerait, à l’avant-garde des énergies sidérales, l’énergie humaine spiritualisée, des vivants et des morts. (p. 233-234)

J’ai, pour ma part, pris mes distances, sur ce point précis, avec les propos de Christian Sénéchal ; non pas pour les rejeter, loin de là. La convergence qu’il observe entre la poésie de Supervielle et les avancées majeures de la science moderne est irréfutable. Mais le langage poétique ne saurait se contenter, à mes yeux, d’accompagner ou d’anticiper les grandes découvertes du savoir. Il est d’un autre ordre. C’est pourquoi la véritable modernité de Supervielle - celle qui transcende les époques et atteint à une forme d’universel - me paraît relever d’un troisième plan, métaphysique.

dimanche 1 avril 2007

SUR FRANCE CULTURE le 29 avril 2007

Emission du dimanche 29 avril 2007Jules Supervielle (1884-1960) : L'Homme qui pensait à autre chose

Voir site :http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/vie_oeuvre/fiche.php?diffusion_id=51255&pg=avenir

par Françoise Estèbe Réalisation : Nathalie Triandafyllidès

Vous êtes un grand constructeur de ponts dans l’espace, écrivit Rilke à Supervielle. Ponts entre deux cultures – l’Uruguay et la France, ponts entre le monde des vivants et le monde des morts, ponts entre le réel et l’irréel…Jules Supervielle disait de lui-même qu’il était « né sous les signes jumeaux du voyage et de la mort. » En 1884 Supervielle naît à Montévidéo, en Uruguay, de parents français. Cette même année, lors d’un voyage de sa famille en France, il perd ses parents à une semaine d’intervalle. Jules a huit mois. Il sera élevé en Uruguay par son oncle et sa tante qu’il croit être ses parents biologiques. A l’âge de neuf ans, le terrible secret de famille lui sera révélé de façon accidentelle et brutale. Il commence alors à copier des fables - le rêve et ses innombrables métamorphoses comme exorcisme de la réalité. La vie de Jules Supervielle sera rythmée par le va et vient de ses navigations entre la France et l’Uruguay, oscillation entre ses deux cultures. La mer, dit-il est son lieu. Il reconnaît avoir longtemps redouté la folie. Son travail poétique, qui sera salué par les plus grands noms de la littérature de son temps, sera un long cheminement pour s’éloigner des monstres obscurs tapis dans son inconscient. Les recueils « Débarcadères » 1922 et « Gravitations » 1925 marquent sa maturité poétique. Mais Supervielle est aussi l’auteur de romans, « L’homme de la pampa », « Le voleur d’enfants », « Le survivant », de textes fantastiques et loufoques, de fables, de contes : « L’enfant de la haute mer », perdu dans l’océan entre les vivants et les morts, si emblématique de l’identité mouvante de Supervielle. Il a également écrit des pièces de théatre, « La belle au bois », féerie en trois actes, « Robinson », « Schéhérazade », créée par Jean Vilar au Festival d’Avignon en 1948. Solitaire, silencieux, en marge des mouvements littéraires et des avant-garde, désireux de concilier modernité et classicisme, Jules Supervielle a manié tous les genres, tous les rythmes poétiques, dans « une exactitude hallucinée » et dans une quête perpétuelle d’abolition des frontières entre le réel et l’ailleurs. Et la voix de Jules Supervielle (archives INA Martine Auger)Textes lus par Bernard Gabay et Yasmine Modestine
Participants :
Colombe Boncenne. auteur
Florence Delay. écrivainDans La Séduction brève (1987) elle consacre une étude à Jules Supervielle
Sabine Dewulf. auteur de Jules Supervielle ou la connaissance poétique en deux volumes aux éd. de l'Harmattan
Jean-Pierre Lemaire. poète
Ricardo Paseyro. poète
Lionel Ray. poète, apublié une étude sur supervielle dans le n° 2 de la revue Trajectoire
Anne-Marie Supervielle.

mardi 27 mars 2007

Modernité de Jules Supervielle


Sur le plan poétique, d'abord :

Jules Supervielle s'est toujours tenu à l'écart des Surréalistes qui régnaient littéralement sur la première moitié du XXème siècle (rappelons que le Manifeste d’André Breton date de 1924). Désireux de proposer une poésie plus humaine et de renouer avec le monde, il rejetait l'écriture automatique (que les surréalistes ont eux-mêmes bien vite abandonnée) et la dictature de l'inconscient, sans pour autant renier les acquis de la poésie moderne depuis Baudelaire, Rimbaud et Apollinaire, ainsi que certaines innovations fondamentales du surréalisme.
Attentif à l'univers qui l'entourait comme aux fantômes de son monde intérieur, il a été l'un des premiers à préconiser cette vigilance, ce contrôle que les générations suivantes, s'éloignant du mouvement surréaliste, ont mise à l'honneur. Il a anticipé sur les mouvements des années 1945-50, dominés par les puissantes personnalités de René Char, Henri Michaux (son ami intime), Saint-John Perse ou Francis Ponge, puis - après la parenthèse avant-gardiste des années 1960-70 - sur ceux des poètes désireux de créer un nouveau lyrisme et d'introduire une certaine forme de sacré ou, tout au moins, une approche plus modeste des mystères de l'univers, sans remise en cause radicale du langage : Yves Bonnefoy, Philippe Jaccottet, Jacques Dupin, Eugène Guillevic, Jean Grosjean, André Frénaud, André du Bouchet, Jean Follain, pour ne citer qu'eux.
Ses admirateurs ou successeurs spirituels se nomment René Guy Cadou, Alain Bosquet, Lionel Ray, Claude Roy, Philippe Jaccottet ou encore Jacques Réda…

mardi 20 février 2007

Simplicité et compréhension


« Pour moi ce n’est qu’à force de simplicité et de transparence que je parviens à aborder mes secrets essentiels et à décanter ma poésie profonde. Tendre à ce que le surnaturel devienne naturel et coule de source (ou en ait l‘air). Faire en sorte que l’ineffable nous devienne familier tout en gardant ses racines fabuleuses. […] Je n’ai guère connu la peur de la banalité qui hante la plupart des écrivains mais bien plutôt celle de l’incompréhension et de la singularité. N’écrivant pas pour des spécialistes du mystère j’ai toujours souffert quand une personne sensible ne comprenait pas un de mes poèmes. »
Jules Supervielle, « En songeant à un art poétique » dans Naissances.

jeudi 1 février 2007

Perte d'Identité

LA PERTE DE TOUTE IDENTITE (LA FABLE DU MONDE et 1939-1945)

Dans le recueil qui suit, plus encore que sa solitude foncière, c’est l’immense difficulté de saisir sa propre cohérence que souligne le poète par l’image de l’océan :

« Je suis seul sur l’océan
Et je monte à une échelle
Toute droite sur les flots
Me passant parfois les mains
Sur l’inquiète figure
Pour m’assurer que c’est moi
Qui monte, que c’est toujours moi. […].
Je tombe ah ! je suis tombé
Je deviens de l’eau qui bouge
Puis de l’eau qui a bougé,
Ne cherchez plus le poète,
Ni même le naufragé. » (La Fable du monde, p. 380)


Le noyé semble avoir cette fois renoncé non seulement à saisir des fragments de son passé mais même de son identité. Toute possibilité de connaissance de soi semble ici se dissoudre dans les flots marins.
Cependant, par un de ces retournements auxquels Supervielle nous a accoutumés, cette impossibilité de se connaître, c’est-à-dire de se découvrir une identité, une permanence du « je », une continuité quelconque, devient une sorte de chance dont le poète peut tirer parti :

« Ce bruit de la mer où nous sommes tous,
Il le connaît bien, l’arbre à chevelure,
Et le cheval noir y met l’encolure
Allongeant le cou comme pour l’eau douce,
Comme s’il voulait quitter cette dune,
Devenir au loin cheval fabuleux
Et se mélanger aux moutons d’écume, […]
Etre enfin le fils de cette eau marine […]. » (1939-1945, p. 441)


Je ne peux m’empêcher ici de songer aux textes très anciens de la sagesse des hindous ou des bouddhistes, où le moi est invité à se dissoudre dans la vacuité du Soi… Le cheval, auquel le poète s’identifie si souvent, si volontiers, est ici impatient de quitter son rivage pour se fondre à l’océan. Je pense aussi aux poèmes de l’islam soufi, à ces gouttes d’eau qui se croient séparées du grand océan universel qui est notre élément… Ne faut-il pas, en effet, accepter totalement de n’être qu’une succession discontinue de « je » sans rapport les uns avec les autres, une agglomération d’apparences, pour reprendre une image de Supervielle, afin de commencer véritablement à se connaître ? Se connaître soi-même n’implique pas forcément, en effet, de trouver sa propre identité. Toutes les sagesses traditionnelles nous invitent au contraire à nous chercher au-delà ou en-deçà de l’illusion de l’identité.

mardi 23 janvier 2007

Chaque âge a sa maison…

Chaque âge a sa maison, je ne sais où je suis,
Moi qui n'ai pour plafond que mes propres soucis.
Ce parquet m'est connu, je marche sur moi-même,
Et ces murs c'est ma peau à distance certaine.
L'air s'incline sur moi, son front n'est pas d'ici,
II m'arrive d'un moi qui mourut à la peine.


Extrait de Oublieuse Mémoire

lundi 22 janvier 2007

LIENS ENTRE SUPERVIELLE ET OLORON-SAINTE-MARIE

Cette ville représente pour lui, avant tout, le pays de son père et de ses ancêtres paternels. Dans le poème intitulé « Oloron-sainte-Marie », il se met en quête de ces disparus qu’il n’a pas connus mais dont il se sent pourtant proche : « Comme du temps de mes pères » ; « c’est la ville de mon père ». Sont nés à Oloron son grand-père paternel (1817), bijoutier-horloger-orfèvre et son père, Victor Jules Supervielle (1854). Son grand-père s’est d’ailleurs marié à Oloron (1847).

C’est ensuite la ville où ses parents sont morts, en 1884, sans doute empoisonnés par l’eau d’un robinet vert-de-grisé, alors qu’il n’avait que neuf mois ; c’est là qu’il revient, en 1926, en pèlerinage en compagnie du poète Henri Michaux, son ami. C’est ainsi que naîtra, l’année suivante, la plaquette de vers intitulée « Oloron-sainte-Marie » (soit 26 poèmes !) - plaquette ensuite (en 1930) intégrée à un recueil majeur : Le Forçat innocent. Il revient à Oloron en 1929 pour y prendre des notes afin d’évoquer ses impressions dans son recueil autobiographique : Boire à la source. C’est encore à Oloron qu’il songera, en 1939, lors de la guerre civile espagnole et à l’approche de la seconde guerre mondiale, lorsqu’il publiera dans la Nouvelle Revue Française les poèmes regroupés sous le titre : « Des deux côtés des Pyrénées ». Ces poèmes seront repris dans la section « Poèmes de la France malheureuse », dans le recueil 1939-1945.
C’est aussi le pays qui symbolise l’entre-deux-mondes imaginaire où, constamment, se trouve le poète ; les Pyrénées forment à la fois une frontière et un lien entre des pôles opposés que Supervielle aspire à se faire se rejoindre : entre la terre et le ciel, les vivants et les morts, la mémoire et l’oubli, mais également entre la France et l’Uruguay, ses deux patries, entre lesquelles il se sent comme écartelé. Partout, Supervielle se sent exilé, déraciné. Il est une sorte de survivant, de passager ; Oloron est donc un lieu d’errance, de passage, de quête essentielle. D’où cette ambivalence du paysage pyrénéen :
- D’une part, un mouvement descendant, plutôt pessimiste, qui suggère la chute dans le gouffre de la mort : on peut observer la verticalité abruptement militaire des montagnes (« leurs rugueuses cohortes ») qui s’abaissent pour former une muraille infranchissable entre le poète et les défunts, apparaissant dans le même temps comme des sentinelles qui interdisent le passage vers l’au-delà ; mais aussi l’écoulement aveugle (« paupières basses ») du gave descendant les pentes rocheuses : il symbolise le temps qui s’écoule inexorablement et l’oubli qui s’empare des vivants, ainsi poussés à rejoindre le pays silencieux des morts.
- Mais, d’autre part, se produit un mouvement ascensionnel, plus optimiste : il s’agit d’un élan vers les défunts, permis par le versant montant de la ville d’Oloron. Le poète gravit la pente des « rues », des escaliers qui le conduisent à des « étages ». Il pénètre alors un monde onirique où s’effacent les frontières entre le dedans et le dehors : « J’entre sans frapper dans des chambres que traverse la campagne »… ; entre le je et le paysage : « Ces étages font de moi comme un sentier de montagne ». Puis le poète gagne les « toits d’ardoise », vaste plate-forme où les morts sont susceptibles de se rassembler et de communiquer avec lui.
Cependant, rien n’est simple dans le paysage mi-réel, mi-imaginaire, des Pyrénées. Au cours du poème, le mouvement descendant devient bénéfique ; comme si les Pyrénées étaient alors la barrière rassurante qui protégeait le poète des défunts désirant l’attirer à lui, le gave se fait implicitement le symbole de la vie qui s’écoule : « Prions pour le ruisseau de vie / Qui se presse vers nos prunelles. » A l’inverse, le mouvement ascendant devient néfaste - le dialogue avec les morts se transformant en une supplication adressée par le poète à son propre squelette qui le pousse vers la mort : « Il ne faut pas songer encor / A la flûte lisse des morts. » L’univers poétique de Supervielle est essentiellement ambigu.
Jules Supervielle est enterré (depuis 1960), ainsi que sa femme Pilar (1976), dans le cimetière de Sainte-Croix, à Oloron-sainte-Marie. Une belle épitaphe, tel un concentré de son oeuvre tout entière, est gravée sur la tombe : « Ce doit être ici le relais / Où l’âme change de chevaux. » (Vers extraits du poème « Le relais », dans 1939-1945).

En 1971, la ville d’Oloron a rendu hommage au poète à l’occasion de l’inauguration du lycée qui porte son nom.
En 1990, la ville d’Oloron a créé un prix de poésie Jules Supervielle, dont les premiers lauréats ont été des poètes illustres comme Alain Bosquet, qui se réclame ouvertement du poète, Eugène Guillevic et Henri Thomas, dont la simplicité apparente de langage n’est pas sans évoquer les textes de Supervielle, ou encore Jean Grosjean dont l’inquiétude spirituelle semble faire écho à celle du poète.

dimanche 21 janvier 2007

Modernité de Jules Supervielle


Jules Supervielle, rétif aux modes de son temps, se voulait un réconciliateur de toutes les formes de poésie. Hors du temps et de l'espace, comme le "hors-venu" - ce personnage énigmatique qu'il convoquait volontiers sous sa plume - il est, si l'on ose parler ainsi, constamment moderne. Mais, plus encore, il peut être regardé comme un précurseur des temps modernes, dans les domaines où d'essentielles découvertes - ou redécouvertes - ont été faites. (à suivre)

samedi 20 janvier 2007

Au delà des paradoxes...

L'univers de Supervielle est d’abord un monde de métamorphoses perpétuelles, où les contraires coexistent tout naturellement ; la vie, par exemple, n’y est présente que dans son intime relation à la mort. Les morts et les vivants se côtoient. La mémoire est indissociable de l’oubli. La matière n’a pas plus de consistance qu’un nuage qui s’effiloche. Est-elle différente de l'esprit ? De même, il paraît n'exister ni début ni fin de l'univers, des êtres et des choses car tout y est transformation, métempsycose continuelle. Y a-t-il une essence derrière les apparences ou existe-t-il seulement un univers sensible ? Dieu est-il transcendant ou immanent, créateur du monde ou simple témoin, existant ou non-existant ? Il semble que toutes ces notions contraires doivent être dépassées car elles sont en réalité interdépendantes. Supervielle laisse en tout cas ces ambiguïtés planer sur son univers tout entier. Et le vertige, très souvent, s’empare du poète.

Oublieuse mémoire...

Le hors-venu

D'où venez-vous ainsi couvert de précipices
Avec plus de ravins que chaîne de montagnes ?
Qui vous approche sent qu'un vertige le gagne
Que, du haut de votre altitude abrupte, il glisse,
Vous qui sortez vivant de la géologie
Comme d'un cauchemar de grottes et de strates,
Allant du rose exsangue au plus pur écarlate,
Dans l’éboulis de vos roches mal assagies.
Venez, asseyez-vous du côté de la plaine
Et regardez monter une lune sereine !
Au sortir de la nuit, buvez ce verre d'eau,
II fait sourdre la vie et ferme les tombeaux.
Des oiseaux mieux qu'oiseaux émanent des buissons
Pour aller au-devant de leurs claires chansons.
Reconnaissez-vous là les signes et les mythes
De ce qui espérait en vous, dans l'insolite ?
La brise sentez-vous de la métamorphose
Ouvrant la fleur secrète et délaissant la rose ?

vendredi 19 janvier 2007

Les principales oeuvres de Supervielle

I - Ses recueils de poèmes :
Tous ces recueils sont disponibles dans la collection : Bibliothèque de la Pléiade, aux éditions Gallimard, Paris, 1996. J'ai précisé la date des premières éditions quand il y en avait.
- Débarcadères, Paris, Gallimard, 1922 et 1956, suivi de Gravitations, 1925
- Le Forçat innocent, Paris, Gallimard, 1930, suivi des Amis inconnus, 1934.
- La Fable du monde, Paris, Gallimard, 1938, suivi d'Oublieuse mémoire, 1949.
- 1939-1945, Bibliothèque de la Pléiade, 1946 et 1996, p. 405-469.
- A la nuit, Bibliothèque de la Pléiade, 1947, puis 1956 et 1996, p. 471-481.
- Naissances, suivi de En songeant à un art poétique, Bibliothèque de la Pléiade, 1951 et 1996, p. 539-567.
- L'Escalier, Bibliothèque de la Pléiade, 1956 et 1996, p. 569-589.
- Le Corps tragique, Bibliothèque de la Pléiade, 1959 et 1996, p. 591-654.

II - Ses contes et ses nouvelles :
- L'Enfant de la haute mer, Paris, Gallimard, 1931.
- L'Arche de Noé, Paris, Gallimard, 1938.
- Les B.B.V., Paris, éditions de Minuit, coll. "Nouvelles originales", n° 7, 1949.
- Premiers pas de l'univers, Paris, Gallimard, 1950.

III - Ses romans :
- L'Homme de la pampa, Paris, Gallimard, 1923 et 1951.
- Le Voleur d'enfants, Paris, Gallimard, 1926.
- Le Survivant, Paris, Gallimard, 1928.
- Le Jeune Homme du dimanche et des autres jours, Paris, Gallimard, 1952 et 1955.

IV - Ses pièces de théâtre :
- La Belle au bois, Paris, Gallimard, 1932 et 1947.
- Bolivar, Paris, Gallimard, 1936 et 1955.
- Robinson, Paris, Gallimard, 1948.
- Shéhérazade, Paris, Gallimard, 1949.

V - Son récit autobiographique :
Boire à la source, Confidences, Paris, Gallimard, 1933 et 1951.

Biographie sur le poète

LES GRANDS EVENEMENTS DE LA VIE DE JULES SUPERVIELLE
1) Une famille très unie :

De 1880 à 1883 : Bernard, oncle du poète, fonde en Uruguay une banque avec sa femme Marie-Anne. Cette entreprise devient rapidement familiale : Bernard demande à son frère Jules, père du poète, de venir le rejoindre en Uruguay. Jules fait du trio un parfait quatuor en épousant sa propre belle-soeur, Marie, soeur de Marie-Anne et mère du poète.

2) Naissance d'un orphelin :

- 1884 : Le poète naît à Montevideo, en Uruguay, d'un père béarnais et d'une mère basque. La même année, le petit Jules et ses parents rentrent en France pour rendre visite à leur famille. C'est à Oloron-Sainte-Marie que se produit un tragique accident : son père et sa mère meurent brutalement, sans doute empoisonnés par l'eau d'un robinet ou victimes du choléra. L'enfant est d'abord élevé par sa grand-mère.
- 1886 : Son oncle Bernard ramène le petit Jules en Uruguay, où il l'élève avec sa femme comme s'il était son propre fils.

3) Les débuts d'une vocation littéraire :

- 1893 : A l'âge de neuf ans, le petit Jules apprend par hasard qu'il n'est que le fils adoptif de son oncle et sa tante. Il commence la rédaction d'un Livre de fables sur un registre de la banque Supervielle.
- 1894 : Son oncle et sa tante s'installent à Paris. Jules y fera toutes ses études secondaires.
- 1898 : Jules découvre Musset, Hugo, Lamartine, Leconte de Lisle et Sully Prudhomme. Il commence à écrire des poèmes en cachette.
- 1901 : Il publie à compte d'auteur une plaquette de poèmes intitulée Brumes du passé. Il passe ses vacances d'été en Uruguay en 1901, 1902 et 1903.
- De 1902 à 1906 : Jules poursuit ses études, depuis le baccalauréat jusqu'à la licence ès lettres. Il fait aussi son service militaire mais, de santé fragile, il supporte mal la vie de caserne.

4) L'entrée dans la vie adulte :

- 1907 : Il épouse Pilar Saavedra à Montevideo. De cette union naîtront six enfants, nés entre 1908 et 1929.
- 1910 : Il dépose un sujet de thèse sur "Le sentiment de la nature dans la poésie hispano-américaine". Des extraits paraîtront dans le Bulletin de la bibliothèque américaine.
- 1912 : Après de nombreux voyages, il s'installe à Paris, dans un appartement, 47, boulevard Lannes, où il demeurera pendant vingt-trois ans. Mais, très souvent, il traversera l'Atlantique pour se rendre en Uruguay, sa seconde patrie.
- De 1914 à 1917 : Jules est mobilisé. Il exercera notamment des activités au ministère de la Guerre, en raison de ses compétences linguistiques. A partir de 1917, il lit beaucoup et découvre Claudel, Rimbaud, Mallarmé, Laforgue et Whitman.
- 1919 : La parution de ses Poèmes attire l'attention de Gide et de Valéry et le met en contact avec la Nouvelle Revue Française.

5) Naissance d'un poète :

- 1922 : Parution de son premier recueil important de poèmes : Débarcadères.
- 1923 : C'est le début d'une longue amitié avec Henri Michaux, qui deviendra son ami intime. C'est aussi cette année-là qu'il publie son premier roman : L'Homme de la pampa.
- 1925 : Il se lie avec le grand poète allemand Rainer Maria Rilke et publie un des recueils poétiques majeurs du XXème siècle : Gravitations.
- 1927 : Il devient l'ami intime de Jean Paulhan et lui soumet désormais tous ses textes.
- 1931 : Il écrit son premier recueil important de nouvelles : L'Enfant de la haute mer. A cette époque, il s'adonne à de nombreuses activités littéraires et acquiert la reconnaissance de la critique, y compris en Uruguay. Sa première pièce importante, La Belle au bois, voit aussi le jour à cette époque. Par ailleurs, il ne cessera de remanier ses textes, donnant lieu à de multiples rééditions, et les fait passer souvent d'un genre littéraire à un autre.
- 1938 : Il se lie avec Etiemble.

6) Les années d'exil :

- 1939 : Avec la déclaration de guerre commencent des années difficiles : la tension internationale, des difficultés financières et des ennuis de santé (problèmes pulmonaires et cardiaques) conduisent Jules Supervielle à s'exiler pour sept ans en Uruguay. Il est nommé officier de la Légion d'honneur.
- 1940 : La banque Supervielle fait faillite ; le poète est ruiné. Mais son activité littéraire est toujours aussi intense et ses pièces de théâtre seront par la suite montées par de grands metteurs en scène, dont Louis Jouvet. Il continue par ailleurs de s'adonner à des traductions (Guillen, Lorca, Shakespeare...) et recevra plusieurs prix littéraires tout au long de ces années de la maturité.
- 1944 : Il fait une série de conférences à l'Université de Montevideo sur la poésie française contemporaine.

7) La consécration :

- 1946 : Supervielle rentre en France, ayant été nommé attaché culturel honoraire auprès de la légation d'Uruguay à Paris. Il publie ses premiers contes mythologiques sous le titre Orphée.
- 1951 : Il publie un récit autobiographique intitulé Boire à la source, ainsi que quelques pages précieuses sur sa conception de la poésie : En songeant à un art poétique, à la suite de son recueil poétique Naissances. A cette époque, il souffre d'arythmie et des séquelles de son affection pulmonaire.
- 1959 : Il fait paraître son dernier recueil poétique, Le Corps tragique.
- 1960 : Supervielle est élu Prince des poètes par ses pairs. Le 17 mai, il meurt dans son appartement parisien ; il est inhumé à Oloron-Sainte-Marie. En octobre, la NRF fait paraître un numéro spécial en hommage à Supervielle.
- De 1966 à 1987 : parution aux éditions Gallimard (collection "Poésie") de ses principaux recueils poétiques.
- 1976 : Pilar meurt à son tour ; elle est enterrée aux côtés de son mari.
- 1990 : La ville d'Oloron-Sainte-Marie crée le prix Jules-Supervielle ; parmi ses lauréats, on relève les noms de poètes contemporains majeurs : Alain Bosquet, Eugène Guillevic, Henri Thomas, Jean Grosjean et Lionel Ray.
- 1996 : Parution des oeuvres poétiques complètes de Jules Supervielle dans la Bibliothèque de La Pléiade, aux éditions Gallimard.